"La Nature sous l'oeil de Jacopo Ligozzi", di A.Tazza (SFIB - Société Francaise d'Illustration Botanique)

La Nature sous l'oeil de Jacopo Ligozzi

" Il Pittore Eccellentissimo "

Je me souviens encore de l'émotion éprouvée en étudiant, à Florence, les œuvres de Jacopo Ligozzi. Assise devant ses grandes planches botaniques, dans les salles silencieuses du Cabinet des Dessins et des Estampes de la Galerie des Offices, j’avais tout le loisir d’observer dans le détail, de très près, en prenant des notes, ces étonnantes peintures de plantes et d'animaux, admirables et si vivantes encore à quatre siècles de distance. J’ai découvert et aimé, par la suite, d’autres artistes qui se sont consacrés à la peinture des plantes, mais c'est Jacopo Ligozzi, « il pittore eccellentissimo », « le plus grand des peintres », selon le naturaliste bolognais Ulysse Aldrovandi, qui m'a donné avec ses œuvres, inimitables pour leur style et leur maîtrise (même et surtout dans le cas de ses œuvres inachevées) les réponses aux doutes et aux questions qu’il m’est arrivé de nourrir vis-à-vis de l'Art botanique.
Ce bref article sera le témoignage, tout à la fois, de mon admiration et de ma reconnaissance.
Portrait de Jacopo Ligozzi
1547-1627 (Wikipedia)
L'importance des origines

C'est en 1577 que Jacopo Ligozzi, peintre originaire de Vérone appartenant à une illustre famille de décorateurs lombards, arrive à Florence, invité par le Grand Duc de Toscane François Ier de Médicis, souverain passionné d'alchimie et curieux de toutes sortes de phénomènes naturels, grand collectionneur de plantes e d'animaux. La rencontre de ce prince marquera profondément la vie la carrière de l'artiste.
À ses débuts à Florence, Jacopo, âgé d’à peine trente ans, n’est pas encore célèbre, mais il a déjà peint des toiles à sujets religieux pour la ville de Trente ainsi qu’une série de miniatures sur vélin représentant des poissons et des oiseaux, matière de deux recueils détenus par l’empereur d’Autriche Rodolphe II, aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de Vienne. Ces premiers travaux révèlent déjà la variété des thèmes qu’il est en mesure d’aborder, sa capacité à travailler en grand comme en petit format, sa remarquable maîtrise des techniques picturales.

La cour des Médicis entre Art et Science

François de Médicis tient de son père Cosme Ier un très vif intérêt pour tout ce qui peut enrichir le dialogue entre l’Art et les Sciences et notamment pour une pratique qui va s’imposer comme une véritable discipline artistique : la représentation picturale de sujets naturels, empruntés au règne végétal comme au règne animal, reproduits dans le souci d’une scrupuleuse adéquation au réel.
Le Grand Duc, personnage emblématique de son époque et de sa lignée, pour qui la recherche ésotérique et l’observation de la nature sont les deux faces d’un même goût de la connaissance, trouve un allié dans ses travaux sur la transmutation des métaux, dans son étude des pierres précieuses et de leurs vertus, dans ses recollections de plantes et d'animaux, en la personne d’Ulysse Aldrovandi, célèbre savant bolognais, botaniste, zoologue, géologue, et par ailleurs philosophe et médecin.
Aldrovandi, capable, comme Léonard de Vinci, de reconnaître dans l’image naturaliste non pas seulement un élément descriptif utile à l’interprétation des textes, mais un véritable instrument de connaissance du monde naturel, s’emploiera en particulier au recensement des nouvelles espèces végétales et animales qui investissent l’espace européen à la suite des Grandes Découvertes et des expéditions vers le Nouveau Monde : c’est lui qui procurera au peintre de la cour les spécimens exotiques les plus représentatifs.

Mandragora autumnalis Bertol.
détrempe sur papier, cm 67.5 x 46
Gabinetto dei Disegni e delle Stampe degli Uffizi, Florence 
La collection des Médicis

Jacopo est logé dans le Casino de San Marco conçu par Buontalenti, architecte de la cour, résidence citadine dans laquelle le Grand Duc François se consacre à ses expériences alchimiques. À quelque pas de là se trouve l’Orto dei Semplici, le jardin botanique fondé en 1545 sur une initiative de Cosme Ier.
La précieuse collection de plantes médicinales du Grand Duc et les spécimens exotiques recueillis par Aldrovandi fournissent à Jacopo Ligozzi le sujet des peintures à la détrempe sur papier que nous pouvons admirer aujourd’hui à Florence. Aldrovandi, enthousiasmé par le travail de Ligozzi, vante en lui l’artiste d’exception « occupé nuit et jour à peindre toutes sortes de plantes et d’animaux (…) auxquels il ne manque que l’esprit ».
Les quatre-vingts planches des Offices, sur des feuilles de papier grand format, sont le fruit d’une technique miniaturiste très sûre, qui vise une perfection mimétique. L’extrême finesse des pinceaux, le jeu savant des pigments traités dans une manière qui sait ménager au mieux opacité et transparence permettent au peintre de rendre compte des plus délicates variations chromatiques des feuilles et des pétales. Les plantes représentées, souvent accompagnées d’insectes en tout genre, de chenilles, de papillons, voire de petits oiseaux, sont animées d’une extraordinaire vitalité : une intense énergie circule dans ces planches botaniques dont le rassemblement, au Cabinet des Dessins et des Estampes, laisse le visiteur sans voix.


Ficus carica L.
détrempe sur papier, cm 67 x 45,
Gabinetto dei Disegni e delle Stampe degli Uffizi, Florence
Une nouvelle saison

La mort de François Ier de Médicis, en 1587, marquera pour Jacopo Ligozzi la fin d’un âge d'or. Son activité artistique se continue cependant, avec l'avènement de Ferdinand Ier, au travers des domaines multiples dans lesquels il excelle, grâce à la formation de peintre et décorateur qu’il a reçue en sein de sa famille.

Nommé à la direction de la Galerie des Offices, Ligozzi participera à la création de décors pour les spectacles et les fêtes de la cour, à la réalisation de dessins préparatoires pour des compositions florales destinées à l'Atelier des Pierres Dures et des Mosaïques créé par Ferdinand, mais aussi à l’exécution de grandes toiles à caractère religieux, riches de détails botaniques où se révèle, par delà le sujet du tableau, ce qui reste sa vraie passion : peindre, selon le mot de Galilée, « le grand livre de la Nature ». 
Aurora TAZZA
per SFIB
Bibliographie


En français

Lucilla Conigliello, Ligozzi, catalogue de l’exposition du Musée du Louvre (janvier-juin 2005), Cinq Continents éditions, Paris, 2005


En italien

- Lucia Tongiorgi Tomasi e Sara Ferri, I ritratti di piante di Jacopo Ligozzi, Pacini editore, Pisa, 1993
- Lucia Tongiorgi Tomasi, L'immagine naturalistica a Firenze tra XVI e XVII secolo, Leo S. Olshki editore, Firenze, 1984
- Lucia Tongiorgi Tomasi e Alessandro Tosi, Flora e Pomona. L'orticoltura nei disegni e nelle incisioni dei sec. XVI - XIX, Leo S. Olshki editore, Firenze, 1990
Nos plus vifs remerciements à la maison d'éditions Panini pour avoir aimablement permis la reproduction des planches botaniques de Jacopo Ligozzi.

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